Fatimata Ball est de ces personnes qui vous marquent, et marquent l’Histoire. La découverte de sa séropositivité au VIH l’a conduite à mener des combats majeurs en Mauritanie, son pays d’origine, mais aussi en Afrique. Elle est aujourd’hui accompagnée, en France, par la Permanence Droits Sociaux d’Act Up-Paris. Portrait de Fatimata Ball, une rebelle à la Perm.
Fatimata Ball et son mari découvrent leurs séropositivités au VIH en avril 2000. À l’époque, tous deux sont en Mauritanie, pays du Nord-ouest africain. Fatimata, alors infirmière en dermatologie, voit déjà tous les jours les regards de haine, de peur et de rejet que subissent les séropos, notamment de la part du personnel médical. La découverte de leurs séropositivités est d’abord un grand choc “La première chose à laquelle j’ai pensé, c’est à ce personnel médical qui voudrait voir la gueule que j’ai”.
Fatimata Ball
@hele.pavaleca
Fatimata, l’indignée
Fatimata avait entendu parler d’une association mauritanienne en lien avec le VIH. Devant les épreuves qu’elle et son mari affrontent, notamment le manque d’argent et l’état de santé de son mari qui s’aggrave, Fatimata prend contact avec elle. “J’y ai vu des gens dans de très mauvaises conditions. Des enfants malades et couchés à terre par exemple”. Aux conditions d’accueil déplorables s’ajoutent les histoires des uns et des autres. “TouTEs racontaient des histoires de rejet à cause du VIH… Des histoires terribles, des histoires injustes”. Choquée par ce qu’elle voit et entend, Fatimata décide d’agir.
La Banque mondiale finance à l’époque en Mauritanie un programme de lutte contre le VIH-Sida, mais son inefficacité mortifère pousse Fatimata à la contestation. C’est alors qu’elle passe les portes de la Banque mondiale et dit “Je suis une femme qui vit avec le VIH et je veux voir le représentant”. D’abord elle-même saisie, car c’était la première fois qu’elle le disait comme ça, elle insiste. “Ils ont réagi comme si j’étais le diable”.
Finalement, elle obtient gain de cause. Elle et le président de l’association sont amenés dans une salle de réunion, qui se remplit petit à petit. Après s’être présentée, Fatimata lance “J’ai entendu que la Banque mondiale finance la Mauritanie pour lutter contre le VIH. Si c’est pour ce résultat, vous pouvez garder votre argent”. S’ensuit une tirade indignée sur les lacunes de la prise en charge des PVVIH en Mauritanie. “Vous auriez dû sensibiliser la population d’abord, sensibiliser le personnel médical et paramédical, former les médecins sur le VIH. La seule association présente sur le terrain n’arrive pas à payer son loyer, n’a pas accès à l’eau, ne peut pas acheter de médicaments. C’est ça que vous appelez lutter contre le VIH ?”. L’auditoire est en larme. Fatimata quitte brusquement la salle, mais un homme la retient. “Madame, revenez demain” lui dit-il, “Je rentre chez moi” répond-elle.
Fatimata y retourne finalement. “Quand j’arrive, je regarde à droite, à gauche, pour voir le comportement des gens. Les deux vigiles n’ont pas fui comme la veille”. Le même homme vient l’accueillir. Il se confesse, en s’excusant, et reconnaît la vérité de ce que dénonce Fatimata.
Fatimata Ball
@hele.pavaleca
Fatimata, l’indignée
Fatimata avait entendu parler d’une association mauritanienne en lien avec le VIH. Devant les épreuves qu’elle et son mari affrontent, notamment le manque d’argent et l’état de santé de son mari qui s’aggrave, Fatimata prend contact avec elle. “J’y ai vu des gens dans de très mauvaises conditions. Des enfants malades et couchés à terre par exemple”. Aux conditions d’accueil déplorables s’ajoutent les histoires des uns et des autres. “TouTEs racontaient des histoires de rejet à cause du VIH… Des histoires terribles, des histoires injustes”. Choquée par ce qu’elle voit et entend, Fatimata décide d’agir.
La Banque mondiale finance à l’époque en Mauritanie un programme de lutte contre le VIH-Sida, mais son inefficacité mortifère pousse Fatimata à la contestation. C’est alors qu’elle passe les portes de la Banque mondiale et dit “Je suis une femme qui vit avec le VIH et je veux voir le représentant”. D’abord elle-même saisie, car c’était la première fois qu’elle le disait comme ça, elle insiste. “Ils ont réagi comme si j’étais le diable”.
Finalement, elle obtient gain de cause. Elle et le président de l’association sont amenés dans une salle de réunion, qui se remplit petit à petit. Après s’être présentée, Fatimata lance “J’ai entendu que la Banque mondiale finance la Mauritanie pour lutter contre le VIH. Si c’est pour ce résultat, vous pouvez garder votre argent”. S’ensuit une tirade indignée sur les lacunes de la prise en charge des PVVIH en Mauritanie. “Vous auriez dû sensibiliser la population d’abord, sensibiliser le personnel médical et paramédical, former les médecins sur le VIH. La seule association présente sur le terrain n’arrive pas à payer son loyer, n’a pas accès à l’eau, ne peut pas acheter de médicaments. C’est ça que vous appelez lutter contre le VIH ?”. L’auditoire est en larme. Fatimata quitte brusquement la salle, mais un homme la retient. “Madame, revenez demain” lui dit-il” “Je rentre chez moi” répond-elle.
Fatimata y retourne finalement. “Quand j’arrive, je regarde à droite, à gauche, pour voir le comportement des gens. Les deux vigiles n’ont pas fui comme la veille”. Le même homme vient l’accueillir. Il se confesse, en s’excusant, et reconnaît la vérité de ce que dénonce Fatimata.
Fatimata Ball
@hele.pavaleca
Fatimata, l’engagée
Son indignation porte ses fruits, car deux propositions lui sont faites. D’abord, devenir présidente de la première association de femmes séropositives de Mauritanie, financements compris ! Mais Fatimata attendait toujours de rencontrer le responsable du programme de la Banque mondiale. Le rendez-vous, qui tardait à avoir lieu, arrive enfin.
Un rendez-vous aussi animé que le premier. “Quand j’y vais, je crie, je tape sur la table … Mais au fur et à mesure des rendez-vous, je finis par m’assagir.” C’est alors que la seconde proposition est faite “Je te propose d’intégrer la Banque mondiale au niveau du secrétariat général, en tant que personne vivant avec le VIH, pour récolter des informations sur comment les PVVIH sont traitées, intervenir quand tu peux, faire des mises au point sur leurs manques” annonce le responsable à Fatimata. “Je crois que j’ai réfléchi une minute. Je pensais à cette proposition d’association de femmes… Finalement, j’ai préféré faire du plaidoyer, de la prise en charge directe”.
C’est là que tout a commencé. Fatimata démarre alors son engagement à la Banque mondiale. Animation d’ateliers, formations, sensibilisations, médiations, mais aussi de la remontée d’informations. “Je n’hésitais pas à dénoncer les coupables”. Fatimata fait plusieurs interventions médiatiques, qui contribuent à porter la cause de la lutte contre le VIH. Elle parle de la maladie, des traitements, de l’importance du dépistage.
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Elle reste au plus près de la population. “Je me rappelle d’une femme qui avait été dépistée positive au VIH. Elle avait dit ‘J’ai été dépistée, je vais aller au village et mourir’. Un soir, très tard, on va la chercher. Son mari prétend qu’elle n’est pas là. Finalement, elle arrive. On a fini par la convaincre qu’elle n’allait pas mourir. On a aussi parlé au mari, car il avait peur. On a proposé qu’elle, son mari et leurs enfants se fassent dépister, en leur faisant comprendre que ceux qui seront positifs seront accompagnés et ceux qui seront négatifs seront aussi protégés. Aujourd’hui, cette famille se porte comme un charme. C’est quelque chose dont je suis vraiment fière”.
L’accès au traitement était un autre enjeu majeur de la lutte contre le VIH “Le but, c’était de décentraliser. C’est devenu une autre bataille”. Fatimata et ses équipes permettent alors la création de trois unités de prise en charge intégrée, pour permettre une meilleure accessibilité des dépistages dans le pays.
Un engagement protéiforme qui la conduit même à l’échelle internationale. Fatimata rencontre le réseau des personnes africaines vivant avec le VIH et participe à des conférences en Afrique ou en France.
@hele.pavaleca
Fatimata, la mutine
L’engagement est parfois ingrat. “J’ai commencé à déranger beaucoup de monde car je rendais compte de ce que je voyais, mais les Politiques étaient très gênés par ça”. Plus Fatimata dénonce, plus elle est écoutée.
“On m’a demandé de moins parler pendant les réunions. Mais au contraire, j’ai continué à me révolter”. Même au moment du départ de la Banque mondiale, elle est réintégrée par le Fonds mondial, contre l’avis de certaines personnes, qui voyaient sa présence d’un mauvais œil. Toutefois, la victoire n’est pas totale. Son contrat est révisé et elle est évincée de voyages officiels. “Mais ils n’avaient pas anticipé que mes années d’engagement m’avaient permis de construire un grand réseau. J’obtenais les invitations par moi-même, ce qui surprenait mes détracteurs”.
La rupture était imminente. Un jour, Fatimata rédige un communiqué de presse. “J’en ai donné une copie au Fonds mondial. La secrétaire exécutive est arrivée avec énormément d’exemplaires et me les a jetés au visage en me menaçant”. Mais Fatimata ne courbe jamais l’échine, et répond “C’est la dernière fois que vous levez la main sur moi, et ce communiqué sera votre petit déjeuner de demain, 1er décembre 2011”. Il sera diffusé dans la nuit.
Fatimata et la Permanence Droits Sociaux
Les années de lutte n’ont pas laissé que des cicatrices morales à Fatimata. “Ma santé en a pris un coup. Je travaillais, j’animais des ateliers, j’allais au niveau international, je participais à des conférences … J’ai fini par fatiguer”.
On est en 2018. Fatimata est hospitalisée à Alger pendant 1 mois et rencontre Christine Katlama, infectiologue à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris). “On a passé quelques jours ensemble avec son équipe à Alger pour célébrer le 1er décembre 2018. Christine Katlama m’a préconisé une nouvelle molécule, mais qui n’est pas disponible en Afrique. En France, elle l’est”. Aidée par ses amis et soutiens, Fatimata, en mauvaise santé, arrive en France.
“Dans le cadre de mon engagement, j’avais entendu parler d’Act Up-Paris”. Un jour, elle décide de se présenter au local au 8, rue des Dunes dans le 19e arrondissement de Paris. “J’ai expliqué mes problèmes et Nicolas a tout repris en main. J’ai été aidée pour le dossier MDPH, pour le regroupement familial, ce qui m’a permis de retrouver ma fille ici en France, mais aussi pour l’accès à un logement”.
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À l’origine, Fatimata est logée par Coallia, une autre association d’hébergement. Seulement voilà, après avoir obtenu son titre de séjour, on la somme de quitter le logement, sans aucune solution pour la suite. Nicolas, coordinateur social de la Permanence Droits Sociaux d’Act Up-Paris, intervient pour trouver une solution d’urgence. “Il a obtenu que je sois relogée dans un second appartement. C’était miraculeux”. Nicolas a ensuite fait une demande de logement social à la Ville de Paris. Il y est parvenu. Aujourd’hui, Fatimata a un logement stable et est suivie médicalement.
Par ailleurs, Fatimata fréquente régulièrement la Permanence car c’est un lieu d’échange et d’écoute. “Quand je sens que ça ne va pas, je m’invite et je reste dans la salle de la Perm. Après toutes ces années d’engagement, alors que j’étais bien entourée, me retrouver seule peut être dur. Je suis toujours bien reçue et je rencontre d’autres personnes. Il y a une entraide qui s’installe. ChacunE explique ses problèmes, son vécu, son expérience, et parfois, quand je peux, je donne des conseils. Je ressors plus sereine”.
Aujourd’hui, la Permanence continue d’accompagner Fatimata. “Je ne pensais pas qu’une organisation pouvait comprendre mes problèmes et mes besoins à ce point. Act Up me console”, conclut Fatimata.